Enfin! On y est, les dix meilleurs albums de l’année sont là, ils sont beaux, on les aime. J’espère que vous aurez apprécié ce bilan musical qui m’a donné beaucoup de travail, je tiens à le préciser. On ne va pas faire un long discours, les articles parlant d’eux-mêmes je vous souhaite donc comme d’habitude une bonne lecture, une bonne écoute, et je vous dis à bientôt en espérant une année 2013 de haute tenue en matière de musique. Vous trouverez tout en bas un lecteur pour écouter les chansons. En cas de problème (chanson inécoutable, lecteur absent/cassé…), n’hésitez pas à me laisser un commentaire pour corriger le problème.
Pour rappel :
10 : Miguel – Kaleidoscope Dream
Passé un peu plus inaperçu que Channel Orange, Miguel a la malchance d’avoir proposé un disque moins ambitieux qui se contente de réciter la leçon. Force est de constater que la leçon a pourtant été parfaitement apprise. Kaleidoscope Dream est un disque R&B rempli de tubes clinquants où les beats et les basses claquent à chaque instant. Il aurait été pourtant facile de tomber dans un mauvais goût malvenu où la musique y serait devenue trop sirupeuse et dégoulinante mais Miguel s’impose comme une belle révélation qui a le don pour trouver ce refrain qui fait mouche à chaque fois. Kaleidoscope Dream est donc une belle alternative à la musique de Frank Ocean, plus fun et moins pompeuse, on est tombé pour notre part sous le charme.
Label : RCA
09 : Beach House - Bloom
Beach House va sans aucun doute être le groupe qu’on va aimer détester au fil des années. Ici, le duo (agaçant) se contente de répéter la formule à succès de Teen Dream. De ce côté-là, il n’y a dans Bloom aucune surprise, les structures sont les mêmes (couplet, refrain, couplet, refrain, pont, refrain) et l’inventivité n’est pas de mise excepté le son plus massif qu’avant (ils font de la musique de stade de chambre en gros). Pourtant Beach House réussit une nouvelle fois à proposer dix compositions impeccables aux mélodies limpides et aux refrains qui restent gravés dans vos têtes, Bloom est comme son grand frère, un album pop parfait, c’est lisse mais incroyablement bien fait et bien trouvé. Beach House est en ce moment une machine qui écrit des mélodies parfaites à la chaîne qu’ils en profitent car à défaut de renouveler la recette, il suffira d’une baisse de régime pour que tout le monde leur tombe dessus.
Label : Sub Pop
08 : The Caretaker – Patience (After Sebald)
On va essayer de rester dans les grandes largeurs car on pourrait parler pendant des heures du concept derrière Patience (After Seblad), un album destiné à être la bande sonore autour du film du même nom centré sur les écrits de W.G Sebald et plus particulièrement « les anneaux de Saturne » à travers un mec qui refait le même parcours que le mec du bouquin ou un truc du genre… Vous l’avez compris si on ne va pas parler du concept de l’album c’est surtout qu’on s’est intéressé à la musique de James Kirby. Basé essentiellement sur Voyage d’hiver de Schubert, The Caretaker recréer une musique nouvelle. A travers les nombreux parasites sonores (grésillements d’un vinyle, pluie, bruit blanc d’une télévision, tout ça combiné) on entre encore un peu plus dans ce disque à part, aussi triste qu’intimiste.
Label : History Always Favours the Winners
07 : Philip Glass – Rework_ Philip Glass Remixed
Rework_ Philip Glass Remixed est le projet casse gueule par excellence. Le musicien a tout simplement convié 12 artistes à faire ce qu’ils voulaient de sa musique. Remix, reconstruction, rajout, collage… Rework_ Philip Glass Remixed est un album aux exercices de styles très variés fait par des artistes aux univers très différents. Pourtant, il faut croire que la musique de Glass s’y prête à merveille puisque ce disque aussi contemplatif qu’excitant ravit nos oreilles du début à la fin. Que les compositions soient plus ou moins fidèles au support original, chaque musicien réussit à provoquer en nous des émotions. Si le premier disque est une belle réussite (on pense notamment à Memory Tapes ou Dan Deacon qui conjugue sa folie à la beauté de la musique de Glass) le deuxième disque est un réel chef d’œuvre. Il y a tout d’abord les remix de Jóhann Jóhannsson, Pantha du Prince et Peter Broderick superbes de bout en bout mais surtout il y a Beck. En collant une vingtaine de compositions mises bout à bout, notre scientologue préféré réussit le pari de créer un œuvre nouvelle et ambitieuse de 20 minutes, une œuvre parfaite un peu à l’image de Rework_ Philip Glass Remixed, un modèle pour tous les albums de remix à la con.
Label : The Kora Records
06 : Quakers – Quakers
Quakers est avant tout un grand projet, pleins d’ambitions qui cherche à résumer tout un pan du rap des 10 dernières années. Derrière ce groupe se cache trois têtes pensantes : Geoff Barrow, musicien et compositeur au sein de Portishead, qui a ramené avec lui son ingénieur son Stuart Matthews et enfin Katalist, producteur inconnu au bataillon. Des producteurs c’est bien, mais quand on fait un album de rap, avoir des chanteurs c’est mieux et c’est plus de trente rappeurs qui viennent prêter main forte sur la quarantaine de titres (on dépasse rarement les trois minutes) qui composent ce disque. La force de Quakers est d’avoir réussi à sélectionner des samples dans des genres très différents sans jamais livrer un disque fourre tout. Jazz, Funk, electro, musique de films… Toutes les influences s’imbriquent les unes dans les autres pour un résultat passionnant et euphorisant.
Label : Stones Throw Records
05 : Swans – The Seer
Deux ans après leur très impressionnant come-back, ce monstre à six têtes revient à la charge avec leur deuxième album depuis leur reformation. Michael Gira et sa bande ont décidé de passer à la vitesse supérieure en livrant un disque long de deux heures, intenses et d’une profonde noirceur. Souvent dissonant et écrasant, The Seer est la bande son idéale de cette fin du monde (avortée!) où Gira accouche sur le papier ses angoisses et sa colère. A de rares accalmies près (L’intervention divine de Karen O), ce disque ne vous lâche jamais. Au-delà de la musique, c’est une expérience unique dont on en sort presque effrayé et épuisé.
Label : Young God Records
04 : Ernest Gonzales – Natural traits
La révélation électro, on la doit à San Antonio, la ville d’origine d’Ernest Gonzales qui a officié par le passé sous le nom de Mexicans With Guns. Passé les deux premiers titres qui sont un peu moins dans le ton du disque, Natural Traits prend réellement son envol avec When Synchronicity Prevails, une formidable ascension où le mariage des guitares et des synthés fait des merveilles. On oscille alors entre la musique électronique et la pop, dans ce disque qui devient une formidable invitation au voyage. On est porté par ces compositions estivales et mélancoliques, parsemées de boucles de guitares limpides qui pourraient être la bande son idéale de nos étés qui prennent fin. Amoureux de Baths, Bibio ou Four Tet jetez vous à l’eau, Natural Traits mérite qu’on s’y attarde
Label : Friends Of Friends
03 : Dirty Projectors - Swing Lo Magellan
Moins fou-fou que son prédécesseur Bitte Orca, Swing Lo Magellan est un disque bien plus pop et donc plus facile à apprivoiser. Si David Longstreth a simplifié sa musique, elle reste encore un trésor de complexité et d’idées. Instruments chelou, accords chelou, structure chelou… Dirty Projectors confirme être toujours un des groupes les plus étranges de la scène New Yorkaise sans paraître pour des fumistes car derrière cette intransigeance se cache des compositions lumineuses toutes plus attachantes les unes que les autres.
Label : Domino
02 : Cloud Nothings – Attack On Memory
Les groupes qui rendent hommage aux années 90 pullulent ces derniers temps mais avouons le, la claque aura rarement était aussi forte qu'avec le dernier né de Cloud Nothings qui nous a totalement pris par surprise après un premier album décevant. Sur Attack On Memory, ça cogne sévère, le son est puissant, clair et massif, tandis que les chansons sont directes et incisives. Bien que jouissif par son immédiateté, Baldi s'éloigne des compositions ensoleillées pour une ambiance plus sombre et inquiétante. Marqué par une production impeccable d’Albini, le disque semble être taillé dans la roche, c’est un disque brut et sans temps morts qui vous décrasse les oreilles et vous fait taper du pied comme jamais. Si les références sont là, si Cloud Nothings n’invente rien, l'ensemble se révèle être d’une grande cohérence et jubilatoire. Attack On Memory est un très grand disque rock et c’est déjà beaucoup pour un mec qui n’a même pas 25 ans.
Label : Carpark Records
01 : Grizzly Bear – Shields
Il y a trois ans sortait Veckatimest, troisième album de Grizzly Bear qui voyait le groupe sortir de l’ombre. Propulsés par quelques singles incroyables (Two Weeks, Ready Able…), ils étaient enfin sous les feux des projecteurs. Salué par la critique et ses pairs, le disque connaîtra même un joli succès public qui les imposera comme une des formations majeure des années 2000. Cependant, il faudra reconnaître malgré toutes ses qualités que le disque était parfois écrasé par des compositions presque trop grandes pour eux. Alternant entre morceaux intimistes et cathédrales pop, Veckatimest ne trouvait pas l’équilibre qui aurait pu en faire un grand album, un album incontournable qui compte dans l’histoire de la musique. Les ingrédients étaient là mais la recette n’était pas tout à fait au point.
Ne tournons pas autour du pot, si Shields se démarque suffisamment de son grand frère pour ne pas s’amuser au jeu des comparaisons, Grizzly Bear à gommé les défauts de son prédécesseur afin de trouver l’équilibre qui permet à n’importe quel disque de perdurer dans le temps.
Dès l’ouverture, avec la chanson Sleeping Ute, le groupe originaire de Brooklyn dévoile une toute autre facette. L’introduction est rude, un morceau presque rock voire anti-mélodique qui montre bien que l’intention n’est pas de caresser l’auditeur dans le sens du poil mais au contraire de le bousculer. Au revoir les harmonies vocales et les prouesses orchestrales, les quatre garçons ont grandi et les envies ne sont plus les mêmes. Shields ne renie en aucun cas Veckatimest mais se dirige vers une forme plus minimaliste. Que ce soit les instruments à vent ou à corde, les orchestrations se font plus discrètes, Grizzly Bear se débarrasse de ses obsessions et renoue avec une musique plus classique mais où chaque composition garde pourtant l’empreinte du groupe.
Ce quatrième album n’est pas un bouleversement total, les chansons oscillent toujours entre le folk et la pop et le groupe signe encore une fois un disque empreint de mélancolie. Les voix d’Edward Droste et Daniel Rossen sont quand à elles toujours aussi belles mais se mêlent moins aux autres. Sûrement moins réfléchi et perfectionniste que par le passé Shields n’en parait pas pour autant plus grossier mais au contraire, bien plus subtil. Chaque chanson est parcourue de détails qui fourmillent, la clarinette basse sur The Hunt donne à la chanson une profondeur bienvenue quand aux boucles de synthés sur Sleeping Ute, elles viennent faire virevolter un peu plus dans nos têtes cette bourrasque sonore.
Au-delà de ces petits plus qui en font beaucoup, comment ne pas admirer les variations dans chaque chanson. A l’image d’A Simple Answer qui débute comme une balade enlevée avant de finir en apothéose avec cette conclusion dramatique qui prend tout d’un coup aux tripes. On prendra encore pour exemple Sleeping Ute, chanson presque violente, qui finit sur une accalmie avec une guitare folk sereine pour seule compagne.
La grande force de ce disque est là, celle d’être tout et son contraire. La batterie claque, les guitares sèches et saturées sont souvent au premier plan mais sont toujours contrastées par la douceur et le raffinement de certains arrangements bien plus discrets. Shields ne paye pas de mine par rapport à Veckatimest et pourtant, les richesses mélodiques semblent innombrables grâce à des compostions qui ne cessent de nous surprendre malgré les écoutes répétées. Les chansons prises individuellement ne sont jamais époustouflantes mais l’œuvre dans sa globalité nous laisse admiratif.
Au final, il est incroyablement dur de décrire en quoi ce disque est grand, pourquoi Shields est un disque qui va compter non seulement pour le groupe mais aussi dans les années à venir car tout y est question de ressenti. Au-delà des compositions impeccables, de l’ambiance globale qui s’en dégage et de la qualité constante quelque chose d’autre est là mais qui reste insaisissable. C’est sûrement dans cette part de mystère que réside sa force, cette impression de ne pas en avoir fait le tour et qu’il y a tant de choses à découvrir.