C’était inévitable, on ne pouvait pas y échapper, Ellington
At Newport est donc le premier disque de jazz à être chroniqué ici. Je
ne vais pas vous mentir, je n’y connais rien, quelques tentatives par le passé
m’ont poussé à laisser tomber le genre pour me concentrer sur des choses plus
futiles comme la pop et le rock. Le jazz a la réputation d’être un genre à la
fois difficile à aborder et cérébral. J'aime pas le jazz, enfin c’est ce que je
crois, finalement je n’en sais rien. Oui
parce qu’après une écoute d’Ellington At Newport il faut vraiment être stupide pour
affirmer une chose pareille.
Comme son nom l’indique cet album est tout simplement la
captation live du concert de Duke
Ellington à Newport en 1956
qui pour la petite histoire connait deux versions. La première sortie qui dure
44 minutes et la seconde, datant de 1999, durant plus de deux heures et qui
contient l’intégralité du show (même plus, les 11 dernières pistes ne font pas
partie de la performance originale). S’il a fallu attendre aussi longtemps, on
le doit à un micro mal placé empêchant d’entendre correctement les instruments.
Coquin comme il est, Duke Ellington
invite le groupe à retourner en studio pour réenregistrer leur performance. La
première version se révèle être un mélange bâtard entre les sessions studio et
live pas vraiment fidèle à la réalité d’autant plus que toutes les chansons n’ont
pas été incluses. La seconde est basée sur l’enregistrement original, la fameuse
cassette étant retrouvée dans des archives en 1996, elle a permise d’écouter
trois ans plus tard le réel concert donné à Newport (avec un son à la hauteur
bien entendu).
C’est d’ailleurs l’album de 1999 que l’on conseille (vivement
même), plus complète, elle permet d’entendre quelques exploits supplémentaires
comme l’enjôleur Take The A Train et
ses cuivres entrainant ou le célèbre Tea
For Two. Seul bémol, on retrouve beaucoup de pistes superflues comme les 11
titres bonus qui n’ont pas été captés pendant le concert ainsi que les innombrables
interludes présentant les artistes se joignant au groupe. Au final ce sont donc
14 chansons que l’on retient (sur 40 quand même), 1h20 où l’excitation de la
foule est de plus en plus palpable. Alors bien sûr le tempo ralentit parfois et
notre engouement avec attendant le prochain solo salvateur, ce débordement de
cuivres qui nous amènera notre prochaine
agitation, mais dans son ensemble on ressent dans la musique de Duke Ellington une ferveur, une folie
qui atteint son point culminant avec Diminuendo
And Crescendo In Blue.
C’est en partie grâce à ce titre que l’album
doit sa popularité, composé de deux parties bien
distinctes (Diminuendo In Blue et Crescendo In Blue), elles sont reliées
par un pont qui a varié avec les années (la chanson est écrite en 1937). On a
donc connu des interludes vocales, des interludes au piano jusqu’à ce que Paul Gonsalves, saxophoniste d’Ellington, intervienne et se propose de
jouer cette jonction qui deviendra légendaire. Si la chanson avait déjà été jouée
en concert, elle n’avait jamais été enregistrée. A cette époque, la côte de
popularité de Duke Ellington est au
plus bas et cette composition, oubliée par certains, méconnue des autres, va
provoquer une exaltation chez le public sans précédent. Ce solo de 7 minutes
environ, qui joint les deux parties, va enflammer une foule alors aux abois, le
groupe va même arrêter de jouer pour encourager un Gonsalves au sommet de sa forme. Il faut entendre le public
surexcité à la fin de ce morceau qui en demande encore plus. Le groupe ralenti le
tempo sur les chansons suivantes pour calmer les ardeurs, Duke les prie de se tenir plus tranquille mais la foule n’en à que
faire, elle en veut toujours plus.
Alors que le concert doit toucher à sa fin, la foule refuse de
se disperser, l’organisateur du festival s’attire même les foudres des
personnes présentes en essayant d’y mettre un terme. Devant tant de
sollicitations, Duke Ellington
allongera encore son concert avec Skin
Deep. Sur cette chanson, le batteur Sam
Woodyard s’y donne à cœur joie en proposant un solo galvanisant là encore
les festivaliers et ne les aidant certainement pas à se calmer. Tout ça aurait
pu durer encore des heures tant la scène et son public sont en osmoses mais il
faut croire que Duke Ellington a le
don pour mettre le public dans sa poche. C’est sur le magnifique Mood Indigo (titre low-tempo afin de ne pas
trop exciter les bêtes hein!), repris par Frank Sinatra sur son album In The Wee Small Hours Of The Morning (dont
l’album a été chroniqué en avril 2011 ici…), que le concert s’achève. Après
avoir remercié une foule acquise à sa cause, Ellington s’éloigne sans le savoir en venant de réaliser une
performance devenue mythique. Suite à ce concert, l’artiste renouera avec le
succès (comme Louis Prima avec l’album
chroniqué en septembre 2011 ici…) et touchera même une nouvelle audience grâce
à ce live qui aura un impact impressionnant au point de faire la une du très
prestigieux Times.
Je ne sais pas si j’aime ou non le jazz, je ne sais même pas si
j’aime la musique de Duke Ellington,
mais ce concert est un moment de bravoure de quasi chaque instant, il suffit d’écouter
les deux extraits pour apprécier la prouesse de ce groupe alors possédé et
transcendé par l’assistance présente en ce 7 juillet 1956, jour historique pour
Duke Ellington et pour les amateurs
(les vrais) de jazz.
Faut-il écouter ce
disque au moins une fois dans sa vie? Oui, que t’aimes le jazz ou non.
(Un
point de moins pour Gryffondor Ellington At Newport à cause des interludes et des
bonus trop nombreux)
Label : Columbia
Label : Columbia
Diminuendo In Blue And Crescendo In Blue
Skin Deep
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