“I guess my time as a musician has gone by so
fast that I realized that I have no personal life. The other guys in
Deerhunter, they all found things. And I just have monomania. I always will.
I'm obsessive about one thing, that there's one thing that's going to make me
happy and it's making music, or there's one thing that's going to make me happy
and it's this person.”
En 2011, alors que Bradford Cox
est en promo pour son album solo, il évoque au magazine Rolling Stone son état
dépressif et son rapport avec la musique. Avec ces quelques mots on comprend
quelque part comment en est il arrivé là, comment Bradford Cox est devenu une véritable icône de la musique indé. Ce
qui le démarque des autres c’est qu’il ne fait pas de la musique pour vivre mais
vit pour sa musique et pousse ce mode à l’extrême.
Depuis les débuts chaotiques avec Turn
It Up Faggot en passant par son expérience solo, Bradford Cox a signé 9 albums dont la moitié est indispensable. On
ne compte même pas les splits albums, les nombreuses mixtapes balancés sur le
net où les EPs qui viennent prouver que non seulement Bradford Cox est l’un des songwriters les plus prolifiques de sa
génération, mais aussi un des plus doués. Même dans les disques moins notables,
l’artiste qui va fêter ses 31 ans a toujours montré un sens de la mélodie hors
du commun.
Cela fait déjà trois ans que Deehunter
n’avait pas donné de nouvelles, plus depuis Halcyon Digest un des sommets de leur carrière. Heureusement, nous
n’étions pas en reste puisqu’on avait eu le droit entre temps à une
cinquantaine de chansons balancées d’un bloc sur son blog. Parallax, un album solo qui prolongeait l’expérience pop amorcée
avec Halcyon Digest ou encore Spooky Action at a Distance l’excellent
album de Lockett Pundt, seconde tête
pensante de Deehunter qui prouvait
que lui aussi en avait sous la pédale.
L’ouverture Neon Junkyard
confirme ce que le single annonçait et c’à quoi nous devons nous attendre les
douze titres durant. La voix de Bradford
Cox est des plus saturés, tout comme les guitares rêches, brouillonnes qui
sortent du lot dans cette cacophonie ambiante. La transformation la plus
troublante reste le chant de Cox. Il
ne chante plus, il crie à gorges déployés, il est en colère et cette rage se
ressent sur la quasi-totalité du disque. Autant être clair, ceux qui avaient
été charmés par leurs pérégrinations pop risquent d’être chamboulés, voire
déçus, par ce disque qui ne cherche pas à caresser nos oreilles.
Monomania est d’ailleurs perturbant,
alors que leurs compositions gagnaient avec le temps en complexité, Deerhunter a rongé jusqu’à l’os les compositions. La
démarche se veut plus instinctive, plus directe, plus animale. Les premières
écoutes sont donc déconcertantes, le disque n’atteint pas en terme qualitatif
leurs meilleurs albums. Encore une fois, quelques chansons sont un cran en
dessous ou plutôt s’imbriquent mal dans l’album comme le titre acoustique Nitebike ou The Missing, écrite par Lockett
Pundt, une très belle chanson mais qui ne cadre finalement pas si bien que
ça avec le reste. On regrette aussi que la promesse d’un disque punk garage ne
soit pas tout à fait tenue. Si le chant est toujours enragé, on surprend des
mélodies légères et pas forcément rock’n’roll comme sur les couplets de Blue Agent, une sorte de ballade pas
vraiment belle, pas vraiment entrainante qui a le cul entre deux chaises à cause
des instruments qui paraissent inoffensifs.
Monomania n’est pas le chef
d’œuvre attendu mais reste une nouvelle fois un excellent disque de la part de Deerhunter et pour plusieurs raisons, la première étant que tous
ces défauts font parties intégrantes de leur charme. Deerhunter a toujours été bancal et imparfait, une sorte de monstre
dans lequel on aperçoit une grande beauté comme He Would Have Laughed qui concluait leur précédent disque. La
chanson avait beau paraitre dissonante, elle finissait par nous faire chavirer.
Si l’étrangeté ne finit pas ici par révéler la beauté du disque elle vient
appuyer le discours et les intentions de Bradford
Cox qui était de signer un disque malade et corrosif. Des quintes de toux
effrayantes de T.H.M. aux étranges
cris poussés sur Leather Jacket II, Cox tire la sonnette d’alarme et
témoigne de son malaise. Monomania ne
tourne pas rond, il y a quelque chose de pourri dans leur royaume, mais il est
pourtant une nouvelle fois une démonstration de force du songwriting de
l’auteur, l’autre grande force du disque. Couplets, ponts, refrains… Tout
s’imbrique parfaitement sur ce disque, le groupe arrive encore à nous épater
sur ce point où toutes les compositions, même dans leurs moments de faiblesses,
font preuve d’inventivités et de trouvailles réjouissantes. T.H.M. est un vrai crève cœur et Back To The Middle nous fait fondre avec
son solo de guitare presque dramatique… On pourrait passer au crible tous les titres
tant l’écriture est un modèle de simplicité et d’efficacité.
On enrage avec Monomania, énième
album réussi de la part de Deerhunter
mais qui ne décrochera pas la première place du top 2013 et restera une
nouvelle fois au pied du podium la faute aux quelques imperfections qui
peuplent le disque. L’album ne manque pas de qualités pourtant, en particulier
la cohésion en termes de production qui n’avait jamais été aussi grande. Qui
plus est, Deerhunter possède cette
grande qualité qui est de surprendre son auditeur. On pouvait s’attendre à une
suite dans la lignée de Halcyon Digest
mais Monomania nous prend à revers
et montre un groupe qui possède encore une belle marge d’avance sur les autres.
Cette marge d’avance ne devrait d’ailleurs pas faiblir avec les années tant que
Bradford Cox garde sa flamme
intacte. C’est dans son malheur, dans cette passion dévorante qu’il a pour la
musique, cette monomanie qu’il nous fait rêver et nous fais continuer à aimer passionnément
la musique.
Label : 4AD
Sortie le : 7 mai 2013
5 titres en écoute dans le lecteur à droite
Pour :
...
Couci couça :
...
Contre :
...
P.S : Ears Of Panda a une page facebook et il se passe pleins de trucs dessus donc si tu veux passer à l'occasion c'est ici : CECI EST UN LIEN : CLIQUE DESSUS
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