Semaine 19 : Deerhunter - Monomania


“I guess my time as a musician has gone by so fast that I realized that I have no personal life. The other guys in Deerhunter, they all found things. And I just have monomania. I always will. I'm obsessive about one thing, that there's one thing that's going to make me happy and it's making music, or there's one thing that's going to make me happy and it's this person.”

En 2011, alors que Bradford Cox est en promo pour son album solo, il évoque au magazine Rolling Stone son état dépressif et son rapport avec la musique. Avec ces quelques mots on comprend quelque part comment en est il arrivé là, comment Bradford Cox est devenu une véritable icône de la musique indé. Ce qui le démarque des autres c’est qu’il ne fait pas de la musique pour vivre mais vit pour sa musique et pousse ce mode à l’extrême.

Depuis les débuts chaotiques avec Turn It Up Faggot en passant par son expérience solo, Bradford Cox a signé 9 albums dont la moitié est indispensable. On ne compte même pas les splits albums, les nombreuses mixtapes balancés sur le net où les EPs qui viennent prouver que non seulement Bradford Cox est l’un des songwriters les plus prolifiques de sa génération, mais aussi un des plus doués. Même dans les disques moins notables, l’artiste qui va fêter ses 31 ans a toujours montré un sens de la mélodie hors du commun.

Cela fait déjà trois ans que Deehunter n’avait pas donné de nouvelles, plus depuis Halcyon Digest un des sommets de leur carrière. Heureusement, nous n’étions pas en reste puisqu’on avait eu le droit entre temps à une cinquantaine de chansons balancées d’un bloc sur son blog. Parallax, un album solo qui prolongeait l’expérience pop amorcée avec Halcyon Digest ou encore Spooky Action at a Distance l’excellent album de Lockett Pundt, seconde tête pensante de Deehunter qui prouvait que lui aussi en avait sous la pédale.

Cependant, l’annonce de Monomania, leur sixième album, nous avait excité au plus haut point. On parle du meilleur groupe actuel tout de même! L’attente aurait pu être interminable s’ils n’avaient pas présenté très tôt sur le plateau de Jimmy Fallon le single éponyme. Ce disque est l’occasion pour le groupe de prendre une nouvelle forme avec un guitariste en renfort, un nouveau bassiste et… Bradford Cox grimé en Connie Lungpin alter Ego rock’n’roll et Ramonesque avec deux doigts ensanglantés dans des bandages grossiers (pour la blague hein…). Ce premier extrait donne le ton de leur album à venir. C’est crade, garage, nerveux. Jamais le groupe n’avait semblé si survolté depuis leurs débuts. La surprise est totale, après leur excursion très pop on ne s’attendait pas à un album punk garage de leur part. Monomania prend à contre pied nos attentes. Alors qu’on est tellement habitué à voir tant de groupes adoucir leur son, Deerhunter fait marche arrière et remonte même jusqu’en 2005. A côté, les disques Microcastle et Cryptograms paraissent d’une clarté irréprochable.
L’ouverture Neon Junkyard confirme ce que le single annonçait et c’à quoi nous devons nous attendre les douze titres durant. La voix de Bradford Cox est des plus saturés, tout comme les guitares rêches, brouillonnes qui sortent du lot dans cette cacophonie ambiante. La transformation la plus troublante reste le chant de Cox. Il ne chante plus, il crie à gorges déployés, il est en colère et cette rage se ressent sur la quasi-totalité du disque. Autant être clair, ceux qui avaient été charmés par leurs pérégrinations pop risquent d’être chamboulés, voire déçus, par ce disque qui ne cherche pas à caresser nos oreilles.
                                                                                                                              
Monomania est d’ailleurs perturbant, alors que leurs compositions gagnaient avec le temps en complexité, Deerhunter a  rongé jusqu’à l’os les compositions. La démarche se veut plus instinctive, plus directe, plus animale. Les premières écoutes sont donc déconcertantes, le disque n’atteint pas en terme qualitatif leurs meilleurs albums. Encore une fois, quelques chansons sont un cran en dessous ou plutôt s’imbriquent mal dans l’album comme le titre acoustique Nitebike ou The Missing, écrite par Lockett Pundt, une très belle chanson mais qui ne cadre finalement pas si bien que ça avec le reste. On regrette aussi que la promesse d’un disque punk garage ne soit pas tout à fait tenue. Si le chant est toujours enragé, on surprend des mélodies légères et pas forcément rock’n’roll comme sur les couplets de Blue Agent, une sorte de ballade pas vraiment belle, pas vraiment entrainante qui a le cul entre deux chaises à cause des instruments qui paraissent inoffensifs.
                                         
Monomania n’est pas le chef d’œuvre attendu mais reste une nouvelle fois un excellent disque de la part de Deerhunter et pour plusieurs raisons, la première étant que tous ces défauts font parties intégrantes de leur charme. Deerhunter a toujours été bancal et imparfait, une sorte de monstre dans lequel on aperçoit une grande beauté comme He Would Have Laughed qui concluait leur précédent disque. La chanson avait beau paraitre dissonante, elle finissait par nous faire chavirer. Si l’étrangeté ne finit pas ici par révéler la beauté du disque elle vient appuyer le discours et les intentions de Bradford Cox qui était de signer un disque malade et corrosif. Des quintes de toux effrayantes de T.H.M. aux étranges cris poussés sur Leather Jacket II, Cox tire la sonnette d’alarme et témoigne de son malaise. Monomania ne tourne pas rond, il y a quelque chose de pourri dans leur royaume, mais il est pourtant une nouvelle fois une démonstration de force du songwriting de l’auteur, l’autre grande force du disque. Couplets, ponts, refrains… Tout s’imbrique parfaitement sur ce disque, le groupe arrive encore à nous épater sur ce point où toutes les compositions, même dans leurs moments de faiblesses, font preuve d’inventivités et de trouvailles réjouissantes. T.H.M. est un vrai crève cœur et Back To The Middle nous fait fondre avec son solo de guitare presque dramatique… On pourrait passer au crible tous les titres tant l’écriture est un modèle de simplicité et d’efficacité.

On enrage avec Monomania, énième album réussi de la part de Deerhunter mais qui ne décrochera pas la première place du top 2013 et restera une nouvelle fois au pied du podium la faute aux quelques imperfections qui peuplent le disque. L’album ne manque pas de qualités pourtant, en particulier la cohésion en termes de production qui n’avait jamais été aussi grande. Qui plus est, Deerhunter possède cette grande qualité qui est de surprendre son auditeur. On pouvait s’attendre à une suite dans la lignée de Halcyon Digest mais Monomania nous prend à revers et montre un groupe qui possède encore une belle marge d’avance sur les autres. Cette marge d’avance ne devrait d’ailleurs pas faiblir avec les années tant que Bradford Cox garde sa flamme intacte. C’est dans son malheur, dans cette passion dévorante qu’il a pour la musique, cette monomanie qu’il nous fait rêver et nous fais continuer à aimer passionnément la musique.


Label : 4AD
Sortie le : 7 mai 2013
5 titres en écoute dans le lecteur à droite

Pour :
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Couci couça :
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Contre :
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